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13 août 2006

Une mer agitée.

Revoir la famille, une dernière fois réunie. Une dernière fois entre parenthèses, bien sûr que l'on se reverra. Pas de doute. Sans doute. Sans doute aucun.

Sauter dans les vagues, des vraies vagues, comme un cadeau que nous faisait la Manche. Contente de vous avoir revus tous ensemble ici !

Les dents de la mer...
Les vagues étaient vraiment impressionnantes, no joke ! La preuve : on était les seuls dans l'eau. Les touristes, frileux, nous observaient de la corniche, enroulés dans leurs parkas, avec des bonnets. Les fous ! Ils ne savent pas ce qu'ils manquent ! L'histoire s'apprend dans la vie. Avec de telles vagues, le débarquement n'aurait pas eu lieu, chère madame. Ne nous regardez pas de travers parce qu'on se jette contre les vagues, dans l'eau, en criant, de toutes nos forces, en se tenant la mains pour se retenir les uns les autres...
Vous savez, madame, votre devoir de mémoire, ce que j'en pense ? J'en pense que j'ai grandi avec cette mer, avec ses vagues, avec ces musées qui peuplent la côte, avec le Cimetière Américain tout près. J'ai grandi ici, j'ai vécu ici. Les trous causés par les obus, si respectueusement conservés, sont maintenant couverts de gazon, madame. Un gazon bien tondu, chaque semaine - l'herbe pousse vite en Normandie.
Votre devoir de mémoire, on l'a réalisé chaque jour. Parce qu'en regardant la mer, on ne pouvait s'empêcher de penser à ceux qui l'ont vue, mais de l'autre côté. Eux, ils ont vu la côte. D'ici, de là où je me trouve, de là où je suis debout, les deux mains tirant sur les coins de ma serviette pour me protéger un peu - du vent, du regard des touristes en-parka-és... D'ici, quelqu'un a peut-être vu arriver les bateaux. Il a peut-être eu peur. Qu'est-ce qui va encore nous tomber dessus ?
Eh oui madame, cette histoire, Notre Histoire, je la connais bien. Je connais les moindres recoins du débarquement ici. C'est là que j'ai grandi, c'est là que mon grand-père a fait ''son devoir'', ainsi que tous les musées du coin. Le débarquement, c'est de la vraie vie, des vrais jeunes, peut-être une jeune fille s'était-elle glissée parmi ces soldats, pour rétablir la parité non-voulue par la hiérarchie - au nom de quoi ? Les femmes sont trop fragiles pour voir l'horreur en face ? Et les infirmières de front, reléguées au second rôle, derrière le chirurgien et le docteur... Bref, tout a pu arriver. Peut-être y'en a-t-il un qui s'est caché derrière la péniche pour éviter le massacre...
Non madame, le débarquement, ce n'était pas le Jour Le Plus Long, ni Il Faut Sauver Le Soldat Ryan. Non madame. Ceux-là, ceux qui se sont battus ici, ceux qui continuent à se battre, à défendre la liberté, partout dans le monde (un peu trop partout d'ailleurs), ce sont des personnes à part entière. Je n'ai pas envie de faire le discours réservés aux touristes qui demandent des renseignements. Pas de jeunesse fauchée comme un épi, pas de sang martyr, non, rien que des hommes. Et peut-être aussi des femmes. Rien que des personnes banales, tout comme moi, tout comme vous, avec une histoire, chacun une histoire.
La boucherie de Verdun me semble glacée. Au sens de papier glacé. Oui, mes chers amis qui avez réglé les programmes scolaires, on peut dire que vous ne nous avez pas ratés. Voilà où il en est votre devoir de mémoire. Dans nos livres d'école, réduit à quelques dates - pourquoi l'une plus que l'autre ? J'ai reçu des réprimandes du proviseur de mon collège pour avoir utilisé des exemples ''non conventionnels'' au brevet blanc, en histoire.
Vous n'avez pas le droit de ré-écrire l'histoire. L'Algérie c'est aussi important que ce fichu débarquement. Parce que c'est tout aussi bête. Mais ce qu'il faudrait rajouter, madame, dans les livres d'école, c'est que ce n'est pas la victoire qui compte, mais la bêtise, mais la perte de temps, de vie, de société, de responsabilité.
''Dégâts collatéraux''. Ca veut tout dire.
Le cimetière américain, c'est plus qu'un cimetière, où la moyenne d'âge des morts est bien trop jeune, c'est plus qu'un lieu où sa majesté Buissonière a posé les pieds - comment Mrs Rice a-t-elle fait pour monter les marches si hautes de l'escalier caillouteux qui mène au cimetière avec ses talonts hauts et son tailleur ? -. Madame, ce cimetière, c'est aussi un lieu calme,  où le vent qui joue avec les pins répond au bruissement des vagues et où la bruyère joue de mille couleurs. Où le moindre rayon de soleil fait resplendir la netteté des pelouses.
Alors madame, vos remontrances, gardez-les pour les mettre dans un trou, tel le barbier du roi aux oreilles d'âne. Peut-être vous révèlera-t-il les secrets de la terre.
Mes respects, madame.

* * *
*soupir*

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